"On est sur un phénomène en train d'exploser" : après avoir secouru 18 migrants dans la nuit, la préfecture maritime s'alarme de la hausse des tentatives de traversée de la Manche depuis octobre, un phénomène peut-être lié à la proximité du Brexit.
En 2016, date de début du phénomène, les services de la préfecture maritime avaient recensé 23 tentatives de traversées en embarcation de fortune. En 2017, le chiffre était redescendu à 13. Et "avec les deux opérations de cette nuit, on en est à 30, mais surtout à 17 depuis octobre...", explique la capitaine Ingrid Parrot, porte-parole de la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord, basée à Cherbourg.
Cette nuit, son Centre des opérations maritimes (COM) a dû gérer deux opérations distinctes. Vers 02h00, un remorqueur repère un bateau pneumatique de 4 mètres, au nord-est du cap Gris-Nez, avec sept migrants. Il l'escorte jusqu'aux côtes anglaises, avec l'aide d'un avion de patrouille maritime, d'un hélicoptère et d'un patrouilleur.
Arrivé à cinq km du littoral, l'embarcation, composée de six hommes et une femme, est interceptée par un patrouilleur de la Border force britannique aux alentours de 04h00.
[#operation] ➡️ https://t.co/aXkUQL5RRb Cette nuit : deux opérations liées au trafic d'être humains au large du @pasdecalais62 18 migrants secourus en lien avec collaboration avec les autorités britanniques. @MCA_media @douane_france pic.twitter.com/bten9fcete
— PREMAR Manche (@premarmanche) 22 novembre 2018
Hypothermie
Un peu auparavant, vers 03H00, c'est un ferry qui a cette fois alerté les autorités, après avoir découvert une autre embarcation faisant route vers l'Angleterre, en détresse, en panne, avec onze migrants à bord. Mais "la communication (avec les personnes à bord) est particulièrement mauvaise et il est impossible de connaître la localisation des migrants", explique la préfecture dans un communiqué de presse.
Un hélicoptère de la marine nationale basée au Touquet arrive à localiser l'embarcation tandis qu'un remorqueur et un patrouilleur se rendent sur la zone. Finalement, les onze migrants, qui naviguaient sur un semi-rigide et se trouvaient à une dizaine de km du cap Gris Nez, montent à bord du patrouilleur. "Quatre parmi eux, en situation d'hypothermie, sont transférés vers l'hôpital de Calais et les sept autres sont remis aux services de la Police aux frontières (PAF)", d'après le communiqué.
Crainte de collision
Cette double opération intervient une dizaine de jours après une traversée qualifiée d'"inédite": 17 migrants, dont trois mineurs, avaient traversé la Manche sur un bateau de pêche volé à Boulogne-sur-mer.
Pour expliquer cette brusque hausse depuis octobre, la préfecture maritime émet deux hypothèses : le Brexit et les conditions climatiques. "Avant qu'il y ait une frontière complètement fermée, on suppose qu'ils (les migrants) souhaitent à tout prix partir tant que le Brexit n'est pas effectif", avance le capitaine Parrot. L'autre tentative d'explication tient aux conditions météorologiques particulièrement clémentes lors de cette arrière saison.
Face à cette recrudescence des tentatives, "on renforce nos patrouilles" en mer, relève Mme Parrot. Depuis le début des tentatives en 2016, il n'y a eu a priori aucun décès et aucune disparition en mer, rappelle la préfecture. "On n'a pas eu à déplorer des cadavres non identifiés sur une plage, on veut à tout prix éviter cela".
La densité du trafic, les courants importants, les hauts fonds, le vent quasi permanent et la température de l'eau rendent la traversée du détroit du Pas-de-Calais (33 km de distance minimale) très difficile et extrêmement dangereuse. "La crainte la plus forte est une collision en mer avec un gros bateau", prévient Mme Parrot.